samedi 18 novembre 2017

Vos limbes

J'ouvre les yeux, mais il n'y a jamais de silence. Une curieuse sensation et une attente s'installent et ne repartent que lorsque je repose la tête sur l'oreiller.

Un instant suffirait pour me rappeler ce que j'ai à faire et où je dois me rendre, mais me perdre est tout de même doux. Je crois être chez moi, mais je me retrouve toujours au milieu d'immenses forêts aux parfums étourdissants, tellement qu'ils me donnent la nausée.

Aucune fleur, qu'un brouillard qui cache le sol et laisse les cimes nous voler la lumière et le vent qui pourrait nous conduire ailleurs.

Beaucoup de questions qui viennent se noyer dans celles des autres, accompagnées de leurs voix gueulardes et de fausses larmes. Le vent reste bien caché au sommet et nous laisse mourir tranquillement, sans air ni horizon.

Les sourires, faibles grimaces en vérité, s'inventent comme cette honnêteté souillée et les promesses que se font les regards d'amants trop malheureux pour se quitter. C'est tout cela qui s'imbrique et pave l'imaginaire que je rencontre maintenant que dans l'onirique et l'absence.

À force de m'évader, j'ai foulé le sol absent de ces forêts fantasmées et je me rends bien compte que j'ai bien fait. Sans courir ni m'essouffler, j'ai trouvé ces limbes où vous vous trouvez déjà tous : là à vous mentir et à montrer aux autres comment tout est comme il se doit. 

C'est défait, mais beaucoup moins vide que vous, que je m'engage dans l'existence qui ronge et s'enlise. À frapper les bonheurs ridicules et à étreindre les malheurs que l'on pense siens, nous sommes tout sauf présent ou même nécessaire.

Il faudra bien comprendre un jour que, comme moi, vous ne servez à rien. Nous faisons partie de ce travestissement pour nous faire croire que tout vaut la peine et que nous sommes autre chose qu'un écroulement annoncé, une déception chronique qu'il faudra accepter.

Se battre avec l'imbécile ne sert à rien; il nous aide malgré tout à soutenir la voûte céleste sur nos épaules. Les épaules frêles de corps traîtres dont nous nous croyons maîtres. Laissez donc tout tomber, vous serez moins déçus quand vous devrez, vous aussi, abandonner vos grimaces ridicules et votre morale rusée. Après nous le déluge. Si seulement.

Au fond, continuez. Pourquoi s'arrêter quand on est déjà rendu si loin; même si on est d'un ridicule consommé.

Apprenez donc à chanter, au moins vos mensonges auront de belles mélodies.