J'ouvre
les yeux, mais il n'y a jamais de silence. Une curieuse sensation et une
attente s'installent et ne repartent que lorsque je repose la tête sur
l'oreiller.
Un
instant suffirait pour me rappeler ce que j'ai à faire et où je dois me rendre,
mais me perdre est tout de même doux. Je crois être chez moi, mais je me
retrouve toujours au milieu d'immenses forêts aux parfums étourdissants,
tellement qu'ils me donnent la nausée.
Aucune
fleur, qu'un brouillard qui cache le sol et laisse les cimes nous voler la
lumière et le vent qui pourrait nous conduire ailleurs.
Beaucoup
de questions qui viennent se noyer dans celles des autres, accompagnées de
leurs voix gueulardes et de fausses larmes. Le vent reste bien caché au sommet
et nous laisse mourir tranquillement, sans air ni horizon.
Les
sourires, faibles grimaces en vérité, s'inventent comme cette honnêteté
souillée et les promesses que se font les regards d'amants trop malheureux pour
se quitter. C'est tout cela qui s'imbrique et pave l'imaginaire que je rencontre
maintenant que dans l'onirique et l'absence.
À
force de m'évader, j'ai foulé le sol absent de ces forêts fantasmées et je me
rends bien compte que j'ai bien fait. Sans courir ni m'essouffler, j'ai trouvé
ces limbes où vous vous trouvez déjà tous : là à vous mentir et à montrer aux
autres comment tout est comme il se doit.
C'est
défait, mais beaucoup moins vide que vous, que je m'engage dans l'existence qui
ronge et s'enlise. À frapper les bonheurs ridicules et à étreindre les malheurs
que l'on pense siens, nous sommes tout sauf présent ou même nécessaire.
Il
faudra bien comprendre un jour que, comme moi, vous ne servez à rien. Nous
faisons partie de ce travestissement pour nous faire croire que tout vaut la
peine et que nous sommes autre chose qu'un écroulement annoncé, une déception
chronique qu'il faudra accepter.
Se
battre avec l'imbécile ne sert à rien; il nous aide malgré tout à soutenir la
voûte céleste sur nos épaules. Les épaules frêles de corps traîtres dont nous
nous croyons maîtres. Laissez donc tout tomber, vous serez moins déçus quand
vous devrez, vous aussi, abandonner vos grimaces ridicules et votre morale
rusée. Après nous le déluge. Si seulement.
Au
fond, continuez. Pourquoi s'arrêter quand on est déjà rendu si loin; même si on
est d'un ridicule consommé.
Apprenez donc à chanter, au
moins vos mensonges auront de belles mélodies.