Un vieux roi pleurait seul dans un
hall vide. Les pierres érigées par ses ancêtres et seules témoins de cette
scène.
Le
vent s'infiltrait par les murs troués par le temps et la pluie d'âges oubliés.
Le feu de l'âtre s'enfuit avec ce même vent par cette une cheminé pleine de
suie et de résidus d'étoupe. La chaleur avait bien quitté le hall du roi, comme
ces sujets les plus chers.
Aucun
cri, ni de lamentation; que des larmes muettes rappelant au vieux souverain
d'où il venait et ce qui l’attendait.
Il
voyait sa reine, morte en couche il y plus de deux décennies. La seule personne
ayant compris ce que représentait la couronne, les responsabilités et les
règles régissant la vie d'un tout petit garçon qui dû devenir homme trop
rapidement. Un amour apparu trop tard.
Il
reconnut ses enfants. Deux fils : l'un mort à la guerre à défendre les terres
et l'honneur des siens; l'autre, plus jeune, était mort d'une fièvre qui
l'emporta à l'âge de 8 ans. Il avait aussi une fille, mariée à un seigneur,
contre son gré, pour que son souverain de père puisse s'assurer de la loyauté
de ce seigneur autrefois hostile à la couronne. Il avait enterré lui-même
ses enfants.
Il
sentit ses anciens alliés, devenus ennemis, manger à sa table. Au son des
flûtes, tambourins, luths et lyres, les traîtres faisaient ripaille à l'époque
où le feu régnait encore dans l'âtre de sa demeure. Le vin coulait sur les
pierres du plancher; vin qui devint, des années plus tard, sang.
Il
entendit ses soldats se battre sur ses murs, dans sa cour et partout sur ses
terres. Leurs cris rappelaient le tonnerre des tempêtes abreuvant les sillons
des champs. Des cris de haine et de guerre, mais aussi de désespoir et de
prières; celles qui imploraient le ciel de les laisser retourner à leurs
enfants, leurs compagnes et leurs petits lopins de terre. Ces soldats n'étaient
ni rois ni nobles conquérants, mais ils avaient eux aussi des châteaux habités
par ceux qu'ils aimaient.
Loin,
au fond de cette salle, le vieux roi releva la tête pour contempler ces visages
le regardant, lui demandant ce qu'il faisait assis sur un trône trop usé pour
accueillir d’autres souverains. Les larmes n'allaient jamais s'arrêter.
Le
son du cor se fît entendre et couvrit les mélodies qu'assemblaient les
instruments des traîtres. Les souvenirs d'évanouirent pour ne laisser que le
silence, la poussière et le froid regagner le hall en ruine, autrefois
somptueuse demeure.
Le
menton du vieux roi retomba sur sa poitrine. Il entendait les portes de sa
maison s'ouvrir sur le passage de ces derniers ennemis. Ces regrets le
quittèrent enfin. Son coeur, comme sa maison, était vide et arrêta de battre.
La paix finit par l'emporter.
Les
envahisseurs trouvèrent un vieil homme en haillons sur le trône d'un roi. Seul
dans cette immense demeure laissée à l'abandon, il s'était redressé pour
accueillir ses visiteurs; les yeux rougis par le chagrin et les larmes, mais un
sourire aux lèvres. Aucune lame n'allait toucher au vieux souverain. Ses
batailles étaient bien terminées.