mercredi 20 décembre 2017

Le soupir

Un vieux roi pleurait seul dans un hall vide. Les pierres érigées par ses ancêtres et seules témoins de cette scène.

Le vent s'infiltrait par les murs troués par le temps et la pluie d'âges oubliés. Le feu de l'âtre s'enfuit avec ce même vent par cette une cheminé pleine de suie et de résidus d'étoupe. La chaleur avait bien quitté le hall du roi, comme ces sujets les plus chers.

Aucun cri, ni de lamentation; que des larmes muettes rappelant au vieux souverain d'où il venait et ce qui l’attendait.

Il voyait sa reine, morte en couche il y plus de deux décennies. La seule personne ayant compris ce que représentait la couronne, les responsabilités et les règles régissant la vie d'un tout petit garçon qui dû devenir homme trop rapidement. Un amour apparu trop tard.

Il reconnut ses enfants. Deux fils : l'un mort à la guerre à défendre les terres et l'honneur des siens; l'autre, plus jeune, était mort d'une fièvre qui l'emporta à l'âge de 8 ans. Il avait aussi une fille, mariée à un seigneur, contre son gré, pour que son souverain de père puisse s'assurer de la loyauté de ce seigneur autrefois hostile à la couronne. Il avait enterré lui-même ses enfants.

Il sentit ses anciens alliés, devenus ennemis, manger à sa table. Au son des flûtes, tambourins, luths et lyres, les traîtres faisaient ripaille à l'époque où le feu régnait encore dans l'âtre de sa demeure. Le vin coulait sur les pierres du plancher; vin qui devint, des années plus tard, sang.

Il entendit ses soldats se battre sur ses murs, dans sa cour et partout sur ses terres. Leurs cris rappelaient le tonnerre des tempêtes abreuvant les sillons des champs. Des cris de haine et de guerre, mais aussi de désespoir et de prières; celles qui imploraient le ciel de les laisser retourner à leurs enfants, leurs compagnes et leurs petits lopins de terre. Ces soldats n'étaient ni rois ni nobles conquérants, mais ils avaient eux aussi des châteaux habités par ceux qu'ils aimaient.

Loin, au fond de cette salle, le vieux roi releva la tête pour contempler ces visages le regardant, lui demandant ce qu'il faisait assis sur un trône trop usé pour accueillir d’autres souverains. Les larmes n'allaient jamais s'arrêter. 

Le son du cor se fît entendre et couvrit les mélodies qu'assemblaient les instruments des traîtres. Les souvenirs d'évanouirent pour ne laisser que le silence, la poussière et le froid regagner le hall en ruine, autrefois somptueuse demeure.

Le menton du vieux roi retomba sur sa poitrine. Il entendait les portes de sa maison s'ouvrir sur le passage de ces derniers ennemis. Ces regrets le quittèrent enfin. Son coeur, comme sa maison, était vide et arrêta de battre. La paix finit par l'emporter.

Les envahisseurs trouvèrent un vieil homme en haillons sur le trône d'un roi. Seul dans cette immense demeure laissée à l'abandon, il s'était redressé pour accueillir ses visiteurs; les yeux rougis par le chagrin et les larmes, mais un sourire aux lèvres. Aucune lame n'allait toucher au vieux souverain. Ses batailles étaient bien terminées. 

jeudi 7 décembre 2017

Heureusement

Vous dormez trop bien.

Laissez la douce et légère neige d'un hiver timide construire des souvenirs plus factices que ceux d'une enfance fantasmée.

À force d'être conscient, on embrasse la condition, le privilège qui nous colle à la peau.

La morale occupe le temps qu'il nous reste pour nous révolter. Vous ne crierez jamais autre chose que le mal qui nous ronge. Qu'hurler dans une danse qui bat la cadence virginale lessivée aux arômes de monnaie et de valeurs aux arrières goûts ferreux. 

Les sourires semblent toujours sincères, mais finissent tous par empester, aveugler ceux qui tendent des mains justes et sacrifier la bonté qui finit toujours par s'enfuir.

La fin ne viendra jamais au son de trompettes triomphantes ou de chants célestes, mais bien dans la boue et l'indifférence.

Parce que oui, lorsque vous mourrez, on vous oubliera. Heureusement.