La nuit était jeune. Le groupe de
soldats eut enfin une permission. Depuis les trois derniers mois, ils
arpentaient les routes du royaume comme mercenaires à la solde de l’armée
royale. Des semaines à combattre les tribus de l’est et à assurer la sécurité
sur les grandes routes marchandes. L’armée de mercenaires, dont ils faisaient
partie, travaillait avec le royaume depuis près d’un an, mais l’affectation à
l’est était récente.
Les cinq soldats avaient bien
profité du fait d’être postés dans un village près de la route royale pour
doubler leurs soldes en faisant chanter et en menaçant les marchands. Ainsi,
ils avaient de belles sommes à dépenser ce soir dans la capitale.
Lyra, la capitale du Mitan, était
l’endroit parfait pour faire de bonnes affaires, mais aussi pour s’amuser. Près
du marché central se trouvait le quartier chaud de la ville où l’on pouvait
trouver auberges, maisons de jeux, bordels et autres endroits pour se divertir.
Le premier arrêt des jeunes soldats fut à une auberge pour s’assurer d’avoir un
endroit où dormir une fois la nuit tombée. Le Tonneau Fredonneur était un
établissement reconnu pour la qualité des spectacles qu’on y présentait. Les
chambres étaient propres et le prix raisonnable. Ils prirent donc deux
chambres. Trois d’entre eux décidèrent de s’entasser dans une chambre afin de
réduire le coût de leur logis et ainsi avoir plus de pièces à dépenser
ailleurs.
Une fois les chevaux aux écuries,
les chambres payées et les bagages rangés; les cinq soldats se rendirent au
marché. Louis, l’un des soldats, était très heureux de pouvoir profiter de
quelques jours de repos : il allait pouvoir acheter du nouvel équipement. Les
marchands avaient, pour la plupart, bien répondu au chantage. Grâce à cela, il
pouvait s’offrir une nouvelle lame et un casque plus résistant et plus ajusté,
donc, plus confortable. Ses compagnons aussi voulaient en profiter pour
s’offrir de la qualité. Un d’eux se procura de nouveaux carquois remplis de
flèches de différents genres : pointes rondes pour briser les os, pointes
sifflantes pour donner l’alerte, pointes barbelées, etc. Un autre trouva de
nouvelles bottes et un bouclier en écu fait d’acier. L’homme qu’ils
surnommaient tous l’Ours, vu sa carrure et sa pilosité, mit la main sur une
cotte de mailles qu’il fît aussitôt ajuster. Le dernier d’entre eux s’acheta
une série de dagues, deux longs poignards et une arbalète.
Les soldats étaient tous très contents
de leurs trouvailles. De l’équipement neuf allait faire des jaloux au camp. La
solde qu’ils reçoivent ne leur permettait pas de faire de tels achats
normalement. Pour remplacer ce qui était endommagé, ils comptaient sur la prise
qu’ils faisaient sur les vaincus lors des batailles.
Ils reprirent donc le chemin de l’auberge pour déposer leurs achats. Sur le chemin, Louis eut l’impression d’être suivi. Il se retourna, mais ne vit rien. Que des passants qui ne portaient aucune attention au jeune soldat. Rassuré, il rejoignit ses compagnons. Une fois leur butin déposé dans les chambres, les cinq prirent place dans la salle commune, commandèrent à souper et ce qu’il fallait pour faire descendre le tout. Ils s’offrirent le meilleur : faisans, pommes de terres cuites dans la graisse de cochon, du cerf en mijoté, du pain, du fromage et, bien entendu, de la bière du nord en grande quantité.
Plus l’heure avançait, plus la
salle se remplissait. Le souper au Tonneau était très populaire : bonne
nourriture, boissons abondantes et de talentueux ménestrels et autres amuseurs publics.
Plus il y avait de monde, plus Louis se sentait inconfortable : cette
sensation qu’on l’observait lui était revenue après sa dernière portion de
cerf. Il scruta la salle de long en large à plus d’une reprise, mais il ne
remarqua rien.
Après le repas, ils commandèrent un spiritueux brassé par les nains afin de les aider à digérer. L’établissement employait un sommelier pour tenir la cave et vendre les boissons plus couteuses aux clients dépensiers. Il s’agissait, bien entendu, d’un nain. Il apporta ses meilleurs bouteilles et flacons pour le groupe. L’Ours s’entendait particulièrement bien avec lui. Plusieurs gorgées plus tard, le groupe appréciait de plus en plus le spectacle offert par les bardes et ménestrels. Ils se mettaient à chanter en cœur dès qu’ils reconnaissaient un air de musique. Le nain d’était même attablé avec eux et vidait ses flacons avec l’Ours sans rien demander en retour.
Mais Louis n’était pas aussi
festif que ses compagnons. Pour faire plaisir aux autres, il avait gouté un
alcool nain à base de champignons et de mousses que l’on retrouve dans les
mines de Barum. Un nectar selon leur nouvel ami. Autant pour le goût infect et
brulant du breuvage que pour cette crainte qui le gagnait, il refusa les autres
verres qu’on lui offrit après celui-là.
Louis avait bien repéré un groupe un peu louche assit près de la petite scène au fond de la salle : deux elfes, un vêtu d’une robe de mage bleu royal et l’autre portant une armure de cuir souple et un sabre au flanc droit, accompagné par une femme humaine très séduisante portant une tunique vert émeraude usée par de nombreux voyages et une cape dont la capuche était rabattue vers l’arrière. Il avait remarqué que les elfes regardaient souvent en direction du groupe de soldats, mais Louis finit par comprendre que ces regards étaient plus spécifiquement dirigés vers le nain et l’Ours qui chantaient fort et particulièrement faux. Le tout avait vraiment l’air de leur déplaire.
Louis fût tiré de sa réflexion
par l’un de ses compagnons :
-Hey Louis, tu viens ? On va
jouer aux dés près d’ici. Le nain connaît un endroit.
-Oui, j’arrive.
Il se leva et suivit le groupe
qui avançait plus lentement qu’à leur arrivée vu l’alcool qu’ils avaient ingéré.
Les rues étaient animées malgré
l’heure. La lune était presque à son zénith, mais on entendait la musique et
les cris provenant des auberges et la grande place était pleine d’amuseurs publics,
de kiosques vendant de la nourriture et de l’alcool. Un des amis de Louis en
profita pour se prendre un petit verre pour la route.
Ils traversèrent donc la grande place et empruntèrent une rue menant vers le quartier des enclumes, où se trouvent la plupart des forgerons de la ville. Après quelques minutes de marche, Louis se sentit à nouveau observé, mais cette fois-ci, il ne se retourna pas. Il était nerveux depuis qu’il avait fait ses achats au marché; il ne voulait tout simplement pas se faire voler ses nouvelles acquisitions et c’est surement ce qui l’avait rendu, selon lui, paranoïaque.
Mais c’est au détour d’une ruelle
qu’il comprit que tout ce temps, ils étaient bel et bien suivi. Lorsqu’ils
furent tous engagés dans la ruelle, le nain, qui guidait les jeunes soldats,
s’arrêta brusquement, se pencha et se mit à vomir. L’odeur était si forte que
même l’Ours, reconnu pour bien tenir l’alcool, eu des hauts le cœur. Ils se
mirent tous à rire lorsque le nain releva la tête : ils virent la barbe de
leur guide souillée par le contenu de son estomac qu’il venait de régurgiter.
Ce dernier d’essuya la bouche avec la manche de sa tunique et se mit également
à rire.
-Ouais, c’était pas n’importe
quoi ça ! dit-il en regardant le flacon qu’il avait vidé d’un trait deux coins
de rue plus tôt.
-J’aimerais bien gouter. Lança une voix provenant derrière
le groupe.
Les soldats se retournèrent
aussitôt pour voir qui avait exprimé ce souhait. Ils virent une jeune femme
vêtue d’une légère tunique noire et d’une cape dont la capuche couvrait sa
tête. Louis pensait être devant la femme qu’il avait aperçue à l’auberge.
-Hey, je vous ai vu à l’auberge !
Qu’est-ce que vous nous voulez ?
-J’ai bien vu que tu m’as cherché
toute la journée, mais tu ne m’as jamais vu. Celle que tu as repérée à
l’auberge y est encore.
En répondant à Louis, la jeune
femme rabattit son capuchon vers l’arrière. Les soldats firent tous un pas vers
l’arrière. Cette femme était plus que séduisante, elle était envoutante. D’une
beauté troublante, une aura sensuelle et enivrante se dégageait d’elle malgré
les cornes qui lui sortaient du front et sa peau rouge comme le sang mêlé à la
terre du champ de bataille. Ses yeux dorés transperçaient l’obscurité et
semblaient sonder l’âme des jeunes hommes qui cherchaient désespérément des
armes pour se défendre.
-Qui es-tu démone ? demanda l’un
des soldats.
Elle se mit à rire doucement. Elle leva le bras et pointa du doigt celui qui venait de la questionner. Il y eu une étincelle puis un trait de flamme alla frapper le jeune homme en plein visage. Ce dernier tomba sous la force du coup et se mit à hurler. Les flammes lui brulaient le visage. L’Ours s’élança aussitôt sur la jeune femme. Il tenta de lui assener un coup de poing en plein visage, mais elle esquiva habillement, porta une main derrière son dos et, d’un seul mouvement, elle dégaina un sabre et trancha la gorge de l’énorme soldat. Il tomba aussitôt à genoux; ses mains tentant de retenir le sang qui s’échappait de sa plaie. Il ne resta pas conscient bien longtemps.
En voyant leur compagnon,
normalement si fort et craint par tous, tomber aussi facilement, les deux autres
compagnons de Louis fuirent. Il ne restait donc que le nain et Louis pour faire
face à cette démone.
Elle s’avança vers les 2
survivants. Quand elle arriva près de celui qu’elle avait brûlé, elle lui
enfonça son sabre dans la gorge. Il mourut sur le coup.
-Je ne veux pas te tuer soldat,
dit-elle en rengainant son arme. J’ai seulement besoin de vos ordres. L’un d’entre
vous doit bien avoir un parchemin sur lequel est inscrite votre prochaine
affectation ?
Louis était encore sous le choc
de la mort de ses deux amis. Il avait réussi à tirer la dague qu’il avait cachée
dans sa botte, mais face à de la magie, il ne pouvait rien faire.
-Donne lui tes ordres le jeune !
dit le nain tout aussi paniqué que le soldat. Tu vas pas laisser cette salope…
Le nain n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Un trait enflammé vint le frapper à la poitrine. Il prit feu très rapidement vu la quantité d’alcool qu’il avait sur lui. Les cris de douleur furent vite étouffés par les flammes.
-Alors soldat ? Que vas-tu faire
? Mourir de façon stupide comme tes amis ou me remettre ce que je cherche et
fuir ?
Louis laissa tomber sa dague. Il lança sa clé de chambre à la meurtrière de ses compagnons.
-Ce que tu cherches est dans nos
affaires à l’auberge.
Louis ne dit rien de plus et
quitta sans attendre.
---
Akïna ne pensait pas que ce
serait aussi facile. Habituellement, les soldats expérimentés ne perdent pas
leurs moyens de la sorte. Mais bon, ils avaient bu et il faut dire que le
physique de la jeune femme était un atout non négligeable dans ce genre de
situation. Malgré son héritage démoniaque, elle n’avait rien en commun avec son
père ou ses autres ancêtres. Elle s’empressa de prendre les bourses sur les
cadavres et de vérifier si le document qu’elle cherchait ne se trouvait pas sur
l’un d’eux. Rien. Elle remit sa capuche et se dirigea vers l’auberge où
auraient dû dormir les soldats. Elle se fondait dans la foule sans aucun
problème. Passer inaperçu était un autre de ses talents.
Quelques minutes plus tard, elle
était de retour au Tonneau Fredonneur. On y faisait encore la fête. Sur scène
se tenait un trio composé de deux gnomes, l’un jouant du tambour et l’autre du luth,
et d’un hafelin jouant de la flute, jonglant et insultant les clients de façon
très imagée. Tout le monde riait, dansait et chantait. Akïna ne s’attarda pas
plus longtemps dans la salle commune et prit l’escalier menant au premier
étage. Elle entra dans la chambre des soldats. Elle y trouva les achats de ces
derniers. En fouillant pour trouver le document, elle trouva les couteaux à lancer
qu’elle attacha à son ceinturon. Elle finit par tomber sur ce qu’elle
cherchait; elle brisa le sceau de cire et se mit à lire :
''Rendez-vous au sud de la ville
d'Ardyn. Les régiments d'Yvan et de Simon y ont installé leurs campements. Les
survivants du clan de l'Élan se terrent dans la forêt à l'est. Les éclaireurs
sont déjà sur place.
Et Louis, n'oublie pas de me
ramener un tonneau de bière de Don' Mor.
Bastien.''
Il y avait donc deux régiments
près de la forêt de l'est. Akïna devait faire suivre cette information au plus
vite. Elle mit le parchemin dans sa besace, se releva, mais quand elle voulu
sortir de la chambre, on lui bloqua le passage. Elle tomba nez à nez avec
Louis, épée à la main. La tiefling repoussa rapidement sa cape et porta sa main
à son sabre.
-Tient, dit-elle moqueuse, tu
n'as pas eu ta leçon ? Tu veux venger tes compagnons ?
-Ta gueule sale pute ! Tu vas
payer pour ce que tu as fait.
Il porta le premier coup, mais
Akïna était rapide et agile. Elle dégaina son sabre et vînt bloquer la lame de
Louis. Il n'attendit pas la réplique de la démone et lui donna un violent coup
de pied à l'estomac. Elle fût projetée vers l'arrière. Elle alla frapper le mur
entre la tête d'un des lits et une fenêtre. Elle allait contre-attaquer quand
Louis pénétra dans la chambre avec quatre autres hommes armés. Elle reconnut
les deux fuyards du groupe qu'elle avait suivi toute la journée. Le dernier
ferma la porte derrière lui.
la tiefling avait déjà utilisé
beaucoup de sa magie pour combattre et se cacher des regards inquisiteurs de
Louis toute la journée. Il lui restait assez d'énergie pour lancer un seul
sort, après, elle devrait combattre au corps à corps.
-D'accord, vous avez gagné. Je me
rends, dit Akïna en rengainant son sabre. Elle leva les mains au ciel.
Deux des soldats s'approchèrent afin de la maitriser, mais Louis s'écria
aussitôt :
-Non, attention ! Elle peut
utiliser...
La jeune femme se mit à hurler si
fort que les deux soldats s'approchant d'elle s'arrêtèrent aussitôt et
plaquèrent leurs mains contre leurs oreilles. Ils se mirent à crier et finirent
par s'effondrer. Le cri magique d'Akïna les avait rendus sourds. Les trois
autres ne durent pas autant affectés par le sort, mais tout de même ébranlés.
La tiefling n'attendit pas que ses adversaires s'en remettent : elle prit deux couteaux
à lancer accroché à son ceinturon et les lança vers Louis et un autre soldat. Ce
dernier reçut le couteau dans la gorge tandis que Louis fît dévier le
projectile avec son épée.
Il se jeta sur la démone. Elle
eut le temps de reprendre son sabre et de parer les coups. Elle ne semblait pas
si forte, mais elle déviait chaque coup avec tant de finesse et de précision; il
ne pourrait pas la vaincre par la force.
Le soldat prit son courage à deux
mains et se lança également dans la mêlée. Akïna réussit
tant bien que mal d'éviter les coups de l'un et bloquer les autres, mais elle ne
pourrait pas tenir cette cadence bien longtemps. Elle devait saisir l'occasion
de s'enfuir. Louis tenta de la frapper à la tête, Akïna fit dévier le coup,
agrippa le poignet de Louis et se plaça derrière lui en réalisant une clé de
bras l'immobilisant. Pendant la manœuvre, l'autre soldat réussit à la blessé
profondément à la cuisse. Elle répliqua sur-le-champ en frappant son assaillant
au visage. Elle trancha profondément la chaire de sa joue droite.
Louis était sous le contrôle de
la démone, désarmé et son compagnon était blessé, mais était toujours en état
de combattre. Pour sa part, la tiefling était épuisée par les échanges de coups
et la plaie sur sa cuisse qui laissait s'échapper beaucoup de sang. Elle devait
agir.
-Bon assez joué mes mignons. Je
dois partir.
Elle relâcha son emprise sur
Louis puis lui donna un coup de pied dans le dos; ce qui l'envoya percuter son compagnon. Akïna en profita
pour courir vers la fenêtre et sauter à travers. La chute fut plus brutale
qu'elle l'avait prévue. Elle tomba sur le dos, elle perdit le souffle et la
plaie de sa cuisse s'ouvrit davantage. Malgré tout, elle se releva péniblement.
Elle se dirigea vers les ruelles derrière l'auberge, mais une voix l'interpella
:
-Où est-ce que tu crois aller
comme ça salope ?
La douleur brouillait sa vision.
Akïna n'avait pas vu que six soldats étaient cachés tout autour d'elle.
-Tu n'es pas chanceuse, on est
plusieurs de la même compagnie en permission ce soir. Louis nous a dit que tu
avais tué deux de nos gars. Et à ce que j'ai entendu, tu as peut-être déjà fait
d'autres victimes. Lâche ton arme ! Si tu coopères, on va te tuer rapidement
après qu'on t'est passé dessus.
Elle tenait à peine debout. Son
sabre lui servait de canne. On ne l'avait pas informé que le groupe qu'elle
devait suivre avait d'autres alliés dans la ville. Elle ne pouvait plus
utiliser sa magie et sa jambe la faisait trop souffrir pour combattre. Si elle
avait su, elle aurait pris la chance de porter une armure. Malgré tout, elle n'allait
pas se laisser violer.
La pointe de son sabre quitta le
sol puis se dirigea vers la gorge de celui qui venait de l'interpeller. Mais le
coup fut facilement paré et la tiefling renvoyée au sol avec un coup de poing
au visage. Sur le dos, elle avait perdu son arme. Étourdie par le coup et sa
chute, elle cherchait son sabre en tâtonnant près d'elle, mais son agresseur
posa son pied sur son poignet. Elle ne pouvait plus bouger. Elle était à bout
de force; elle aurait dû prévenir les autres, mais il était trop tard.
Un autre soldat s'approcha pour
tenir les bras de la jeune femme pour l'empêcher de se débattre. Elle tenta de
lui résister, mais ses forces l'avaient définitivement abandonné. Celui qui
l'avait envoyé au sol ne perdit pas de temps : il tira une dague de sa ceinture
et coupa les lacets de la tunique d'Akïna.
Elle voulut crier, mais la dague apparue
remonta à sa gorge. Elle était maintenant complètement nue. Le soldat commença
à la caresser violemment. Elle entendait les compagnons de son agresseur
l'encourager. Des larmes coulèrent de ses yeux; c'était la première fois de sa
vie qu'elle était si impuissante, qu'elle avait peur.
-Allez, t'as bientôt fini ?!? s'impatienta
un des soldats. Nous aussi on veut en profiter.
L'agresseur se mit à rire. Il se
releva, défi sa ceinture et baissa son pantalon. Il écarta les cuisses de la
tiefling, se pencha, mais s'arrêta quand il entendit des cris derrière lui. Il
se retourna aussitôt et vit un de ses compagnons sortir de l'ombre de la ruelle
en vol plané. Ils se rendirent vite compte qu'il était mort. Son armure avait
été défoncée par un énorme objet contondant. Tous observaient la ruelle avec
attention. Leurs armes à la main, ils n'osaient pas trop s'approcher de
l'ombre.
-Bande de sales pourceaux. C'est
facile d'attaquer quelqu'un de blessé à six ! Mais quand il faut réellement
défendre vos vies...
La personne qui venait de parler sortit
de la ruelle. À ce moment-là, les soldats comprirent pourquoi leur compagnon
était mort. Devant eux se tenait un demi-orc mesurant près de sept pieds. D'une
carrure impressionnante, il portait une armure composée d'un plastron d'acier
ainsi que des protections de fourrure pour les épaules, les avant-bras et les
tibias. Vu cette allure, ce guerrier
devait provenir d'une des tribus du nord. Les soldats remarquèrent surtout
l'arme du guerrier : un énorme marteau de guerre à deux mains. Voilà ce qui
avait servi à tuer leur compagnon.
-Allez vous autres ! Tuez cette
ordure, vengez notre camarade ! cria l'agresseur d'Akïna. Il remontait son
pantalon et s'empara de sa lame.
-C'est ça, venez ! hurla le
demi-orc qui se mit à courir vers le groupe de soldats.
Les deux premiers qui croisèrent
le barbare n'eurent pas le temps de réagir. L'immense marteau s'abattit sur le
premier soldat; l'impact le projeta sur son compagnon. Les deux étaient morts
avant de toucher le sol. Un autre soldat profita de l'ouverture dans la défense
du demi-orc pour le frapper au flanc gauche. Il réussit à le blesser, mais la
blessure n'était pas assez importante ni assez douloureuse pour arrêter ce
monstre. Ce dernier pivota et frappa son assaillant en plein visage avec le
manche de son arme. Ainsi, il décrocha la mâchoire du soldat qui se mit à
hurler de douleur. Sa souffrance disparue aussitôt que le barbare lui écrasa la
tête avec l'autre bout du marteau.
Après ce coup, le demi-orc se
remit à hurler de rage. Les trois soldats restants lui tournèrent le dos pour
s'enfuir. Mais il était plus rapide qu'eux. Il les rattrapa facilement. Le
premier qu'il put atteindre eut les jambes brisées. La force du coup le projeta
sur l'un des murs de la ruelle. Le deuxième trébucha et fut tout simplement
piétiné par le colosse. L'agresseur d'Akïna allait sortir de la ruelle lorsque
le cri du barbare retentit derrière lui; le tout annonçant que le marteau allait
de nouveau frapper.
Il reçut le coup au côté droit.
L'impact cassa son bras à de multiples endroits ainsi que plusieurs côtes. Il
se retrouvera à son tour sur l'un des murs de la ruelle. En atterrissant sur le
mur, sa tête heurta violemment la paroi et du sang vînt voiler sa vision. Il ne
voyait plus rien et la douleur troublait ses autres sens. Il paniquait. Il sentit
le colosse s'approcher tranquillement. Il sut que son ennemi était devant lui
lorsqu'il sentit son haleine empestant l'alcool.
-Toi, tu ne vas pas mourir...pas
tout de suite.
La voix de demi-orc semblait
venir de si loin.
Le soldat essaya de se relever
malgré la douleur, mais une énorme main le ramena aussitôt au sol. Il entendit
le son d'une lame qu'on dégaine de son fourreau. Il redoubla d'effort pour se
lever, mais rien à faire.
-Si tu survis, tu ne feras plus
de bâtard.
Le guerrier plongea la lame de sa
dague dans l'entrejambe du soldat qui se mit à hurler. Il tenta de repousser le
bras du colosse, mais avec un seul bras et ses autres blessures, il ne pouvait
rien faire.
Le demi-orc retira sa dague,
l'essuya sur sa victime et rengaina.
-Achève-moi. TUE-MOI ! hurla le
soldat.
Le barbare se contenta de cracher
sur celui qui le suppliait.
Akïna, qui s'était recouverte de
sa cape, était impressionnée par tant de force, mais ne voulait pas que cette
bête s'approche d'elle. Pendant que le barbare se dirigeait vers la ruelle,
elle avait récupéré son sabre.
-Ne t'approche pas !
Le guerrier, qui s’était retourné
vers elle, se mit à rire.
-Tu crois que tu peux m'arrêter
dans ton état ? Baisse ton arme, j'te veux pas de mal. Si c'était le cas, tu
serais déjà morte.
Malgré l'apparente gentillesse du
guerrier, elle garda son sabre pointé vers lui.
-Bon allez, j'ai pas toute la
nuit !
Il s'approcha de la tiefling qui
n'eut pas le temps de réagir. Il la désarma puis prit la jeune femme pour la
mettre sur son épaule. Il ramassa le sabre, le mit à sa ceinture et reprit son
marteau.
-Maintenant, tais-toi. Je ne veux
pas qu'on tombe sur la garde et toi non plus j'crois bien. Je vais t'amener
voir un ami qui va pouvoir s'occuper de ta blessure.
Akïna ne pouvait plus rien faire.
Elle décida d'économiser le peu de force qui lui restait pour la suite de la
nuit.