mercredi 20 mars 2013

La démone et le bâtard


La nuit était jeune. Le groupe de soldats eut enfin une permission. Depuis les trois derniers mois, ils arpentaient les routes du royaume comme mercenaires à la solde de l’armée royale. Des semaines à combattre les tribus de l’est et à assurer la sécurité sur les grandes routes marchandes. L’armée de mercenaires, dont ils faisaient partie, travaillait avec le royaume depuis près d’un an, mais l’affectation à l’est était récente.

Les cinq soldats avaient bien profité du fait d’être postés dans un village près de la route royale pour doubler leurs soldes en faisant chanter et en menaçant les marchands. Ainsi, ils avaient de belles sommes à dépenser ce soir dans la capitale.
Lyra, la capitale du Mitan, était l’endroit parfait pour faire de bonnes affaires, mais aussi pour s’amuser. Près du marché central se trouvait le quartier chaud de la ville où l’on pouvait trouver auberges, maisons de jeux, bordels et autres endroits pour se divertir. Le premier arrêt des jeunes soldats fut à une auberge pour s’assurer d’avoir un endroit où dormir une fois la nuit tombée. Le Tonneau Fredonneur était un établissement reconnu pour la qualité des spectacles qu’on y présentait. Les chambres étaient propres et le prix raisonnable. Ils prirent donc deux chambres. Trois d’entre eux décidèrent de s’entasser dans une chambre afin de réduire le coût de leur logis et ainsi avoir plus de pièces à dépenser ailleurs.

Une fois les chevaux aux écuries, les chambres payées et les bagages rangés; les cinq soldats se rendirent au marché. Louis, l’un des soldats, était très heureux de pouvoir profiter de quelques jours de repos : il allait pouvoir acheter du nouvel équipement. Les marchands avaient, pour la plupart, bien répondu au chantage. Grâce à cela, il pouvait s’offrir une nouvelle lame et un casque plus résistant et plus ajusté, donc, plus confortable. Ses compagnons aussi voulaient en profiter pour s’offrir de la qualité. Un d’eux se procura de nouveaux carquois remplis de flèches de différents genres : pointes rondes pour briser les os, pointes sifflantes pour donner l’alerte, pointes barbelées, etc. Un autre trouva de nouvelles bottes et un bouclier en écu fait d’acier. L’homme qu’ils surnommaient tous l’Ours, vu sa carrure et sa pilosité, mit la main sur une cotte de mailles qu’il fît aussitôt ajuster. Le dernier d’entre eux s’acheta une série de dagues, deux longs poignards et une arbalète.

Les soldats étaient tous très contents de leurs trouvailles. De l’équipement neuf allait faire des jaloux au camp. La solde qu’ils reçoivent ne leur permettait pas de faire de tels achats normalement. Pour remplacer ce qui était endommagé, ils comptaient sur la prise qu’ils faisaient sur les vaincus lors des batailles.

Ils reprirent donc le chemin de l’auberge pour déposer leurs achats. Sur le chemin, Louis eut l’impression d’être suivi. Il se retourna, mais ne vit rien. Que des passants qui ne portaient aucune attention au jeune soldat. Rassuré, il rejoignit ses compagnons. Une fois leur butin déposé dans les chambres, les cinq prirent place dans la salle commune, commandèrent à souper et ce qu’il fallait pour faire descendre le tout. Ils s’offrirent le meilleur : faisans, pommes de terres cuites dans la graisse de cochon, du cerf en mijoté, du pain, du fromage et, bien entendu, de la bière du nord en grande quantité.

Plus l’heure avançait, plus la salle se remplissait. Le souper au Tonneau était très populaire : bonne nourriture, boissons abondantes et de talentueux ménestrels et autres amuseurs publics. Plus il y avait de monde, plus Louis se sentait inconfortable : cette sensation qu’on l’observait lui était revenue après sa dernière portion de cerf. Il scruta la salle de long en large à plus d’une reprise, mais il ne remarqua rien.

Après le repas, ils commandèrent un spiritueux brassé par les nains afin de les aider à digérer. L’établissement employait un sommelier pour tenir la cave et vendre les boissons plus couteuses aux clients dépensiers. Il s’agissait, bien entendu, d’un nain. Il apporta ses meilleurs bouteilles et flacons pour le groupe. L’Ours s’entendait particulièrement bien avec lui. Plusieurs gorgées plus tard, le groupe appréciait de plus en plus le spectacle offert par les bardes et ménestrels. Ils se mettaient à chanter en cœur dès qu’ils reconnaissaient un air de musique. Le nain d’était même attablé avec eux et vidait ses flacons avec l’Ours sans rien demander en retour.

Mais Louis n’était pas aussi festif que ses compagnons. Pour faire plaisir aux autres, il avait gouté un alcool nain à base de champignons et de mousses que l’on retrouve dans les mines de Barum. Un nectar selon leur nouvel ami. Autant pour le goût infect et brulant du breuvage que pour cette crainte qui le gagnait, il refusa les autres verres qu’on lui offrit après celui-là.

Louis avait bien repéré un groupe un peu louche assit près de la petite scène au fond de la salle : deux elfes, un vêtu d’une robe de mage bleu royal et l’autre portant une armure de cuir souple et un sabre au flanc droit, accompagné par une femme humaine très séduisante portant une tunique vert émeraude usée par de nombreux voyages et une cape dont la capuche était rabattue vers l’arrière. Il avait remarqué que les elfes regardaient souvent en direction du groupe de soldats, mais Louis finit par comprendre que ces regards étaient plus spécifiquement dirigés vers le nain et l’Ours qui chantaient fort et particulièrement faux. Le tout avait vraiment l’air de leur déplaire.

Louis fût tiré de sa réflexion par l’un de ses compagnons :

-Hey Louis, tu viens ? On va jouer aux dés près d’ici. Le nain connaît un endroit.

-Oui, j’arrive.

Il se leva et suivit le groupe qui avançait plus lentement qu’à leur arrivée vu l’alcool qu’ils avaient ingéré.
Les rues étaient animées malgré l’heure. La lune était presque à son zénith, mais on entendait la musique et les cris provenant des auberges et la grande place était pleine d’amuseurs publics, de kiosques vendant de la nourriture et de l’alcool. Un des amis de Louis en profita pour se prendre un petit verre pour la route.

Ils traversèrent donc la grande place et empruntèrent une rue menant vers le quartier des enclumes, où se trouvent la plupart des forgerons de la ville. Après quelques minutes de marche, Louis se sentit à nouveau observé, mais cette fois-ci, il ne se retourna pas. Il était nerveux depuis qu’il avait fait ses achats au marché; il ne voulait tout simplement pas se faire voler ses nouvelles acquisitions et c’est surement ce qui l’avait rendu, selon lui, paranoïaque.

Mais c’est au détour d’une ruelle qu’il comprit que tout ce temps, ils étaient bel et bien suivi. Lorsqu’ils furent tous engagés dans la ruelle, le nain, qui guidait les jeunes soldats, s’arrêta brusquement, se pencha et se mit à vomir. L’odeur était si forte que même l’Ours, reconnu pour bien tenir l’alcool, eu des hauts le cœur. Ils se mirent tous à rire lorsque le nain releva la tête : ils virent la barbe de leur guide souillée par le contenu de son estomac qu’il venait de régurgiter. Ce dernier d’essuya la bouche avec la manche de sa tunique et se mit également à rire.

-Ouais, c’était pas n’importe quoi ça ! dit-il en regardant le flacon qu’il avait vidé d’un trait deux coins de rue plus tôt.

-J’aimerais bien gouter. Lança une voix provenant derrière le groupe.

Les soldats se retournèrent aussitôt pour voir qui avait exprimé ce souhait. Ils virent une jeune femme vêtue d’une légère tunique noire et d’une cape dont la capuche couvrait sa tête. Louis pensait être devant la femme qu’il avait aperçue à l’auberge.

-Hey, je vous ai vu à l’auberge ! Qu’est-ce que vous nous voulez ?

-J’ai bien vu que tu m’as cherché toute la journée, mais tu ne m’as jamais vu. Celle que tu as repérée à l’auberge y est encore.

En répondant à Louis, la jeune femme rabattit son capuchon vers l’arrière. Les soldats firent tous un pas vers l’arrière. Cette femme était plus que séduisante, elle était envoutante. D’une beauté troublante, une aura sensuelle et enivrante se dégageait d’elle malgré les cornes qui lui sortaient du front et sa peau rouge comme le sang mêlé à la terre du champ de bataille. Ses yeux dorés transperçaient l’obscurité et semblaient sonder l’âme des jeunes hommes qui cherchaient désespérément des armes pour se défendre.

-Qui es-tu démone ? demanda l’un des soldats.

Elle se mit à rire doucement. Elle leva le bras et pointa du doigt celui qui venait de la questionner. Il y eu une étincelle puis un trait de flamme alla frapper le jeune homme en plein visage. Ce dernier tomba sous la force du coup et se mit à hurler. Les flammes lui brulaient le visage. L’Ours s’élança aussitôt sur la jeune femme. Il tenta de lui assener un coup de poing en plein visage, mais elle esquiva habillement, porta une main derrière son dos et, d’un seul mouvement, elle dégaina un sabre et trancha la gorge de l’énorme soldat. Il tomba aussitôt à genoux; ses mains tentant de retenir le sang qui s’échappait de sa plaie. Il ne resta pas conscient bien longtemps.

En voyant leur compagnon, normalement si fort et craint par tous, tomber aussi facilement, les deux autres compagnons de Louis fuirent. Il ne restait donc que le nain et Louis pour faire face à cette démone.

Elle s’avança vers les 2 survivants. Quand elle arriva près de celui qu’elle avait brûlé, elle lui enfonça son sabre dans la gorge. Il mourut sur le coup.

-Je ne veux pas te tuer soldat, dit-elle en rengainant son arme. J’ai seulement besoin de vos ordres. L’un d’entre vous doit bien avoir un parchemin sur lequel est inscrite votre prochaine affectation ?
Louis était encore sous le choc de la mort de ses deux amis. Il avait réussi à tirer la dague qu’il avait cachée dans sa botte, mais face à de la magie, il ne pouvait rien faire.

-Donne lui tes ordres le jeune ! dit le nain tout aussi paniqué que le soldat. Tu vas pas laisser cette salope…

Le nain n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Un trait enflammé vint le frapper à la poitrine. Il prit feu très rapidement vu la quantité d’alcool qu’il avait sur lui. Les cris de douleur furent vite étouffés par les flammes.

-Alors soldat ? Que vas-tu faire ? Mourir de façon stupide comme tes amis ou me remettre ce que je cherche et fuir ?

Louis laissa tomber sa dague. Il lança sa clé de chambre à la meurtrière de ses compagnons.

-Ce que tu cherches est dans nos affaires à l’auberge.

Louis ne dit rien de plus et quitta sans attendre.

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Akïna ne pensait pas que ce serait aussi facile. Habituellement, les soldats expérimentés ne perdent pas leurs moyens de la sorte. Mais bon, ils avaient bu et il faut dire que le physique de la jeune femme était un atout non négligeable dans ce genre de situation. Malgré son héritage démoniaque, elle n’avait rien en commun avec son père ou ses autres ancêtres. Elle s’empressa de prendre les bourses sur les cadavres et de vérifier si le document qu’elle cherchait ne se trouvait pas sur l’un d’eux. Rien. Elle remit sa capuche et se dirigea vers l’auberge où auraient dû dormir les soldats. Elle se fondait dans la foule sans aucun problème. Passer inaperçu était un autre de ses talents.

Quelques minutes plus tard, elle était de retour au Tonneau Fredonneur. On y faisait encore la fête. Sur scène se tenait un trio composé de deux gnomes, l’un jouant du tambour et l’autre du luth, et d’un hafelin jouant de la flute, jonglant et insultant les clients de façon très imagée. Tout le monde riait, dansait et chantait. Akïna ne s’attarda pas plus longtemps dans la salle commune et prit l’escalier menant au premier étage. Elle entra dans la chambre des soldats. Elle y trouva les achats de ces derniers. En fouillant pour trouver le document, elle trouva les couteaux à lancer qu’elle attacha à son ceinturon. Elle finit par tomber sur ce qu’elle cherchait; elle brisa le sceau de cire et se mit à lire :

''Rendez-vous au sud de la ville d'Ardyn. Les régiments d'Yvan et de Simon y ont installé leurs campements. Les survivants du clan de l'Élan se terrent dans la forêt à l'est. Les éclaireurs sont déjà sur place.
Et Louis, n'oublie pas de me ramener un tonneau de bière de Don' Mor.

Bastien.''

Il y avait donc deux régiments près de la forêt de l'est. Akïna devait faire suivre cette information au plus vite. Elle mit le parchemin dans sa besace, se releva, mais quand elle voulu sortir de la chambre, on lui bloqua le passage. Elle tomba nez à nez avec Louis, épée à la main. La tiefling repoussa rapidement sa cape et porta sa main à son sabre.

-Tient, dit-elle moqueuse, tu n'as pas eu ta leçon ? Tu veux venger tes compagnons ?

-Ta gueule sale pute ! Tu vas payer pour ce que tu as fait.

Il porta le premier coup, mais Akïna était rapide et agile. Elle dégaina son sabre et vînt bloquer la lame de Louis. Il n'attendit pas la réplique de la démone et lui donna un violent coup de pied à l'estomac. Elle fût projetée vers l'arrière. Elle alla frapper le mur entre la tête d'un des lits et une fenêtre. Elle allait contre-attaquer quand Louis pénétra dans la chambre avec quatre autres hommes armés. Elle reconnut les deux fuyards du groupe qu'elle avait suivi toute la journée. Le dernier ferma la porte derrière lui.
la tiefling avait déjà utilisé beaucoup de sa magie pour combattre et se cacher des regards inquisiteurs de Louis toute la journée. Il lui restait assez d'énergie pour lancer un seul sort, après, elle devrait combattre au corps à corps.

-D'accord, vous avez gagné. Je me rends, dit Akïna en rengainant son sabre. Elle leva les mains au ciel.

Deux des soldats s'approchèrent  afin de la maitriser, mais Louis s'écria aussitôt :

-Non, attention ! Elle peut utiliser...

La jeune femme se mit à hurler si fort que les deux soldats s'approchant d'elle s'arrêtèrent aussitôt et plaquèrent leurs mains contre leurs oreilles. Ils se mirent à crier et finirent par s'effondrer. Le cri magique d'Akïna les avait rendus sourds. Les trois autres ne durent pas autant affectés par le sort, mais tout de même ébranlés. La tiefling n'attendit pas que ses adversaires s'en remettent : elle prit deux couteaux à lancer accroché à son ceinturon et les lança vers Louis et un autre soldat. Ce dernier reçut le couteau dans la gorge tandis que Louis fît dévier le projectile avec son épée.

Il se jeta sur la démone. Elle eut le temps de reprendre son sabre et de parer les coups. Elle ne semblait pas si forte, mais elle déviait chaque coup avec tant de finesse et de précision; il ne pourrait pas la vaincre par la force.

 -Allez, qu'est-ce que tu fais ? Viens m'aider ! ordonna Louis à son compagnon se trouvant près de la porte.

Le soldat prit son courage à deux mains et se lança également dans la mêlée. Akïna réussit tant bien que mal d'éviter les coups de l'un et bloquer les autres, mais elle ne pourrait pas tenir cette cadence bien longtemps. Elle devait saisir l'occasion de s'enfuir. Louis tenta de la frapper à la tête, Akïna fit dévier le coup, agrippa le poignet de Louis et se plaça derrière lui en réalisant une clé de bras l'immobilisant. Pendant la manœuvre, l'autre soldat réussit à la blessé profondément à la cuisse. Elle répliqua sur-le-champ en frappant son assaillant au visage. Elle trancha profondément la chaire de sa joue droite.

Louis était sous le contrôle de la démone, désarmé et son compagnon était blessé, mais était toujours en état de combattre. Pour sa part, la tiefling était épuisée par les échanges de coups et la plaie sur sa cuisse qui laissait s'échapper beaucoup de sang. Elle devait agir.

-Bon assez joué mes mignons. Je dois partir.

Elle relâcha son emprise sur Louis puis lui donna un coup de pied dans le dos; ce qui  l'envoya percuter son compagnon. Akïna en profita pour courir vers la fenêtre et sauter à travers. La chute fut plus brutale qu'elle l'avait prévue. Elle tomba sur le dos, elle perdit le souffle et la plaie de sa cuisse s'ouvrit davantage. Malgré tout, elle se releva péniblement. Elle se dirigea vers les ruelles derrière l'auberge, mais une voix l'interpella :

-Où est-ce que tu crois aller comme ça salope ?

La douleur brouillait sa vision. Akïna n'avait pas vu que six soldats étaient cachés tout autour d'elle.

-Tu n'es pas chanceuse, on est plusieurs de la même compagnie en permission ce soir. Louis nous a dit que tu avais tué deux de nos gars. Et à ce que j'ai entendu, tu as peut-être déjà fait d'autres victimes. Lâche ton arme ! Si tu coopères, on va te tuer rapidement après qu'on t'est passé dessus.
Elle tenait à peine debout. Son sabre lui servait de canne. On ne l'avait pas informé que le groupe qu'elle devait suivre avait d'autres alliés dans la ville. Elle ne pouvait plus utiliser sa magie et sa jambe la faisait trop souffrir pour combattre. Si elle avait su, elle aurait pris la chance de porter une armure. Malgré tout, elle n'allait pas se laisser violer.

La pointe de son sabre quitta le sol puis se dirigea vers la gorge de celui qui venait de l'interpeller. Mais le coup fut facilement paré et la tiefling renvoyée au sol avec un coup de poing au visage. Sur le dos, elle avait perdu son arme. Étourdie par le coup et sa chute, elle cherchait son sabre en tâtonnant près d'elle, mais son agresseur posa son pied sur son poignet. Elle ne pouvait plus bouger. Elle était à bout de force; elle aurait dû prévenir les autres, mais il était trop tard.

Un autre soldat s'approcha pour tenir les bras de la jeune femme pour l'empêcher de se débattre. Elle tenta de lui résister, mais ses forces l'avaient définitivement abandonné. Celui qui l'avait envoyé au sol ne perdit pas de temps : il tira une dague de sa ceinture et coupa les lacets de la tunique d'Akïna.

Elle voulut crier, mais la dague apparue remonta à sa gorge. Elle était maintenant complètement nue. Le soldat commença à la caresser violemment. Elle entendait les compagnons de son agresseur l'encourager. Des larmes coulèrent de ses yeux; c'était la première fois de sa vie qu'elle était si impuissante, qu'elle avait peur.

-Allez, t'as bientôt fini ?!? s'impatienta un des soldats. Nous aussi on veut en profiter.

L'agresseur se mit à rire. Il se releva, défi sa ceinture et baissa son pantalon. Il écarta les cuisses de la tiefling, se pencha, mais s'arrêta quand il entendit des cris derrière lui. Il se retourna aussitôt et vit un de ses compagnons sortir de l'ombre de la ruelle en vol plané. Ils se rendirent vite compte qu'il était mort. Son armure avait été défoncée par un énorme objet contondant. Tous observaient la ruelle avec attention. Leurs armes à la main, ils n'osaient pas trop s'approcher de l'ombre.

-Bande de sales pourceaux. C'est facile d'attaquer quelqu'un de blessé à six ! Mais quand il faut réellement défendre vos vies...

La personne qui venait de parler sortit de la ruelle. À ce moment-là, les soldats comprirent pourquoi leur compagnon était mort. Devant eux se tenait un demi-orc mesurant près de sept pieds. D'une carrure impressionnante, il portait une armure composée d'un plastron d'acier ainsi que des protections de fourrure pour les épaules, les avant-bras et les tibias.  Vu cette allure, ce guerrier devait provenir d'une des tribus du nord. Les soldats remarquèrent surtout l'arme du guerrier : un énorme marteau de guerre à deux mains. Voilà ce qui avait servi à tuer leur compagnon.

-Allez vous autres ! Tuez cette ordure, vengez notre camarade ! cria l'agresseur d'Akïna. Il remontait son pantalon et s'empara de sa lame.

-C'est ça, venez ! hurla le demi-orc qui se mit à courir vers le groupe de soldats.
Les deux premiers qui croisèrent le barbare n'eurent pas le temps de réagir. L'immense marteau s'abattit sur le premier soldat; l'impact le projeta sur son compagnon. Les deux étaient morts avant de toucher le sol. Un autre soldat profita de l'ouverture dans la défense du demi-orc pour le frapper au flanc gauche. Il réussit à le blesser, mais la blessure n'était pas assez importante ni assez douloureuse pour arrêter ce monstre. Ce dernier pivota et frappa son assaillant en plein visage avec le manche de son arme. Ainsi, il décrocha la mâchoire du soldat qui se mit à hurler de douleur. Sa souffrance disparue aussitôt que le barbare lui écrasa la tête avec l'autre bout du marteau.

Après ce coup, le demi-orc se remit à hurler de rage. Les trois soldats restants lui tournèrent le dos pour s'enfuir. Mais il était plus rapide qu'eux. Il les rattrapa facilement. Le premier qu'il put atteindre eut les jambes brisées. La force du coup le projeta sur l'un des murs de la ruelle. Le deuxième trébucha et fut tout simplement piétiné par le colosse. L'agresseur d'Akïna allait sortir de la ruelle lorsque le cri du barbare retentit derrière lui; le tout annonçant que le marteau allait de nouveau frapper.

Il reçut le coup au côté droit. L'impact cassa son bras à de multiples endroits ainsi que plusieurs côtes. Il se retrouvera à son tour sur l'un des murs de la ruelle. En atterrissant sur le mur, sa tête heurta violemment la paroi et du sang vînt voiler sa vision. Il ne voyait plus rien et la douleur troublait ses autres sens. Il paniquait. Il sentit le colosse s'approcher tranquillement. Il sut que son ennemi était devant lui lorsqu'il sentit son haleine empestant l'alcool.

-Toi, tu ne vas pas mourir...pas tout de suite.

La voix de demi-orc semblait venir de si loin.

Le soldat essaya de se relever malgré la douleur, mais une énorme main le ramena aussitôt au sol. Il entendit le son d'une lame qu'on dégaine de son fourreau. Il redoubla d'effort pour se lever, mais rien à faire.

-Si tu survis, tu ne feras plus de bâtard.

Le guerrier plongea la lame de sa dague dans l'entrejambe du soldat qui se mit à hurler. Il tenta de repousser le bras du colosse, mais avec un seul bras et ses autres blessures, il ne pouvait rien faire.
Le demi-orc retira sa dague, l'essuya sur sa victime et rengaina.

-Achève-moi. TUE-MOI ! hurla le soldat.

Le barbare se contenta de cracher sur celui qui le suppliait.

Akïna, qui s'était recouverte de sa cape, était impressionnée par tant de force, mais ne voulait pas que cette bête s'approche d'elle. Pendant que le barbare se dirigeait vers la ruelle, elle avait récupéré son sabre.

-Ne t'approche pas !

Le guerrier, qui s’était retourné vers elle, se mit à rire.

-Tu crois que tu peux m'arrêter dans ton état ? Baisse ton arme, j'te veux pas de mal. Si c'était le cas, tu serais déjà morte.

Malgré l'apparente gentillesse du guerrier, elle garda son sabre pointé vers lui.

-Bon allez, j'ai pas toute la nuit !

Il s'approcha de la tiefling qui n'eut pas le temps de réagir. Il la désarma puis prit la jeune femme pour la mettre sur son épaule. Il ramassa le sabre, le mit à sa ceinture et reprit son marteau.

-Maintenant, tais-toi. Je ne veux pas qu'on tombe sur la garde et toi non plus j'crois bien. Je vais t'amener voir un ami qui va pouvoir s'occuper de ta blessure.
Akïna ne pouvait plus rien faire. Elle décida d'économiser le peu de force qui lui restait pour la suite de la nuit. 

lundi 11 mars 2013

Faire l'amour avec elle

Je me suis glissé près d'elle sans qu'elle m'y attende. Nous parlions déjà, mais nous nous sommes mis à chuchoter, à s’inviter par nos respirations nerveuses et nos souffles hésitants. Nos voix et lèvres s’approchèrent sans se comprendre. J’ai vu l’incertitude dans ses yeux, mais ses mains disaient autre chose. Sa peau était froide, ses gestes lents, doux et grisants.


Moi, c’est son visage que mes caresses explorèrent. J’ai touché à ses cheveux défaits, j’ai effleuré sa joue; elle s’est laissé emporter. C’est un calme baisé que j’ai déposé sur ses lèvres. Nos yeux sont restés ouverts : nous voulions tout simplement savoir si tout cela était bien réel.

Je caressais sa nuque, réchauffais son sang, me laissais porter sur sa peau et enlaçait sa nervosité. Pourquoi semblait-elle si troublée ? Nous nous étions enfin retrouvés; là à devenir amants en oubliant la réalité trop compliquée, trop pénible et aliénante.

J’ai retiré ses vêtements sans la brusquer, sans succomber à l’excitation. Je la sentais s’abandonner à mes étreintes, à mes baisés, à son désir. C’est ce qui mena ses mains vers moi. C’est ce qui la poussa à me déshabiller, à vouloir sentir sa peau contre la mienne.

Nous étions à genoux, nus sur le plancher à s’observer, s’effleurer, s’embrasser et à se saisir l’un de l’autre sans se soucier du reste. Sa peau n’était plus froide, malgré ce que certains frissons tentaient de me faire croire. Son visage prit une légère teinte écarlate lorsque mes mains et mes lèvres se mirent à parcourir le reste de son corps.

J’embrassais son ventre et caressait ses cuisses. Ses mains se baladaient dans mes cheveux et poursuivirent leur périple vers mes épaules. Je me glissai derrière elle pour porter mes lèvres à sa nuque, pour mieux sentir son odeur. Ses caresses accompagnèrent mes mains jusqu’à ses seins. Ces derniers étaient si doux, ils me renvoyaient cette chaleur alimentant considérablement mon désir pour elle.

Elle se retourna, se pressa contre moi et m’embrassa. La nervosité nous avait bel et bien quittés. Le désir nous guidait à travers l’incertitude et les doutes de la rationalité nous ayant éloignés. Depuis si longtemps, c’est l’hymne de nos corps, de nos respirations hésitantes mais à l’unisson, de  nos jouissances et voluptés que nous voulions sentir au plus profond de nous.


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Un jour et c’est ainsi que nous ferons l’amour : ensemble.

mardi 5 mars 2013

Ma chambre

Au silence s'accordent les ombres de cette chambre vide qui tente, tant bien que mal, de me protéger. C'est un soir d'hiver que j'y suis entré. Tranquille pensée appelant solitude et rêverie amère, elle me parle pendant que je regarde tomber la neige.

Aucune consolation parce que je suis là. Je ne peux pas vraiment partir. Ce n'est pas que je sois bien, c'est seulement que je n'ai plus envie de me battre et d'anticiper mes défaites. Certains cherchent les neiges d’antan, d'autres se perdent dans les étoiles tandis que moi je me contemple dans la glace.

Je vois un homme qui ne comprend pas vraiment ce qui se passe, ce qui lui a creusé la peau, ce qui l'a transformé en si terrible monstre. Quand la lumière se rencontre, je croise mon regard et y voit un vide qui hurle, qui chante, qui me raconte ce que je pourrais devenir.

Assis seul au centre de ma chambre, je regarde la porte par où je suis venu. Même si j'ai la clé, je reste enfermé à fredonné des mélodies qui ressemblent à la lueur lointaine d'une appréhension boudé trop longtemps. À force de maladresses, de refus et de simple ignorance, je garde avec moi la douceur d'un voyage passé et d'un regard qui se voulait bon.

C'est au son du piano que je me lève enfin de mon siège pour embrasser la froideur qui meuble ma chambre. La seule compagne qui ne me quittera jamais, même si je retrouve la chaleur apaisante de la peau d'une femme ou la félicité d'un véritable baiser.

C'est dans cette chambre que j'écris le soir, la nuit, l'aube, l'oubli et l'abandon. C'est en oubliant de me défendre que je suis entré dans ma chambre.