C’était un soir d’alambic et de
fausses promesses, l’ivresse s’alliait à la chaleur pour me souffler des mots
libres et des images que j’avais moi-même dessinées. Je ne sais pas pourquoi je
suis si bien dans cet état oscillant entre paix et violence. Chaque gorgée me
redonne la force qu’il me faut pour faire un pas de plus, discourir encore
quelques minutes, me rappeler pour quelles raisons je suis malheureux. L’amertume
éveille mes sens; je songe à ceux qui
gagnent leurs vies en nous enivrant. Je me suis toujours demandé s’ils sont
conscients du bien qu’ils me font lorsqu’ils me permettent de prendre un autre
verre.
Avant d’échanger avec la bouteille, ce sont des promesses
qui sont venues discuter avec moi. Certaines provenaient de mon imagination, d’autres
de signes que je n’ai su voir et, finalement, il y avait ces promesses que je m’étais
faite. J’aurais dû fuir : je devais apprendre à vivre avec la tristesse
des soirs râleurs et des nuits solitaires. Malgré tout, j’y plonge. Parfois, c’est
en cuvant mon vin que je revois le mieux comment je suis arrivé ici. C’est avec force que j’ai suivi ma route, mais avec regret.
Il m’est difficile de vivre maintenant. Avec les attentes des uns et les
souvenirs d’autres, je ne pourrai plus jamais être comme je le voudrais.
J’y songe lors de ces soirées où tous perdent le contrôle. Le passé parle de nouveau ma langue sous les
étoiles. C’est de nostalgie que se construisent nos fêtes. C’est au goulot que
l’on attend le regard amoureux, l’oreille attentive ou cette main qui se
mettra, elle aussi, à parler. Entre les verres se succèdent des mots vrais que je
retenais, des respirations franches, le courage d’espérer et les cœurs exilés.
À force de boire, on tente de trouver le fond. Même assis par terre, il est
toujours possible de tomber.
C’est se libérer que de consentir à étancher notre soif. Les
plus belles de nos promesses sont celles qui nous furent inspirées par des
pénombres aussi sincères. Même si personne ne parle, tout le monde comprend la suite.
Que ce soit la bière du soir, le vin des repas ou les liqueurs des discussions;
la mélancolie franchira toujours le pas sans y être invitée.
C’est seul que tout se manifeste. C’est à cet instant que je
constate que ma plume, ma tristesse, mon imagination, les enivrants et les mots
me permettent chaque jour de vivre mon chef-d’œuvre.
Lorsque viennent enfin les soirs d’alambic et de fausses promesses, j’arrête enfin de rêver.