mercredi 20 décembre 2023

Cachot

C’est flou quand je pense à ses yeux.

C’est lourd quand tout s’efface, constamment.

 

La spirale me permet de plonger en attendant que l’horizon s’affirme.

Les cieux restent bien fermés, malgré d’autres regards tournés vers eux.

 

Le désir revient au son des gémissements, à une lenteur naturelle.

Je suppose et me laisse tranquillement dépérir, la gueule ouverte à attendre qu’il pleuve.

 

J’aimerais pouvoir inventer une histoire qui aurait cette extraordinaire faculté, de me mouvoir.

Je me laisse ronger à chaque nuit, en espérant le sommeil tranquille et sans songe.

Les étoiles s’avalent mieux sans les rêves qu’on y attache.

 

Sans mes rares artifices, je m’échoue, toujours l’inadéquat.

Je me barricade dans ce que je crois être la paix.

En réalité, un insondable cachot.

mardi 5 décembre 2023

Nordet

J'entends le vent de l'est.
Je vois les forêts de souvenirs partis en fumée.
J’espère la paix dans un tourbillon, une noyade.

Gouffre qui s’oublie, racontar ad nauseam.
Prisonnier de mon aversion à mon reflet.
Une image que j’ai repeinte à coup d’insultes, de mépris.

Seul refuge que je construis dans mes histoires, mes vagabondages.
J’y fixe le plafond, comme un ado à chemise blanche lâché en uchronie.
J’ouvre à peine la bouche, mes lèvres se fissurent.

Ma langue marine dans le sang, la retenue.
Mes yeux restent ouverts le soir, même avec les étoiles au-dessus du lit.
La peur : lente, insidieuse, mais surtout chronophage.

Tueuse aux griffes acérées, invisibles.
Elle me tient en otage, elle hurle sans relâche.
Je ne vous entends plus, je ne vous vois plus.

Que quelques inspirations encore pour m’échapper de cette emprise.
Je me concentre sur demain, me forcer à ouvrir ma porte.
Enfin laisser entrer le Nordet et son odeur de monts et de fleuve.

mardi 4 juillet 2023

Cul-de-sac

Nous sommes au sommet du hurlement. Dans un silence glacial, bercé au gré des petites morts qui pavent la voie.

Rien de trop sacré pour ne pas le sacrifier.
Rien de trop beau pour ne pas le défigurer.
Rien de trop.

Les images vont et viennent; elles brouillent l'horizon, j’étouffe.

Aucune douceur ni tendresse ne se rend jusqu’à moi. Le sans souffle, battant plus vite venu le soir. Un tambourinage signalant cette bataille qui passe du chien au loup en passant par le zénith rageur.

L’immensité ne s’accorde que rarement aux promesses. J’implore le temps, j’imagine en attendant.

Ces histoires où je n'ai aucun rôle autre que l'exilé qui se gave à l'espoir.

Maintenant, j’expire dans un trou, j’y baigne malgré tout dans vos odeurs, sous des regards tartufes. Malgré les cris et supplications, on crache.

Peu importe le chemin, je ne me rendrai qu’à l’indifférence, qu’à ce cul-de-sac.

Prenez bien ce que vous croyez être la source votre temps, aussi bien s'y noyer.

jeudi 11 mai 2023

Trône

Je porte l’invincible; rien pour me maîtriser.

Je hurle et dirige mon regard au-dessus de ces murs, inclassable enceinte aux couleurs des autres qui s’y écrasent, boivent vermeil et raclures aux pieds de ces garde-fous.

Frapper l’envie de se défaire les jointures, rendre gorge à force d’épuisement parce que tout bouge plus vite, rien ne m’attend sur la piste pour accompagner mes pas.

Les notes se taisent, laissent entrer le froid s’efforçant de trancher mes os.

Je m’endors dans la glace, heureux de pouvoir prendre cette pause.

Appui sans lequel j’aurais à nouveau plongé.

Des nuits sans rêve, une courte et réjouissante mort, éphémère mais tout aussi terrifiante.

Malgré balafres et mutilations, je laisse les pointes aiguës et frigides pénétrer ma peau; à la fin je m’y repose.

Le sang se mêle à l’eau du miroir fondant sous le poids d’un avare et assoiffé néant.

Prisonnier d’un destin forgé chez les autres, j’invente et espère, m’éventre et accepte mon exil sans suzerain.

lundi 10 avril 2023

Tapis

 Je suis tombé.

À travers les désordres, j’expire bruyamment, agonisant, vomissant sans tempérance sur un plancher déjà collant.

 

On me met au défi sans savoir d’où je viens, sans vouloir être témoin du sort qu’on m’a réservé.

On me sert la nuque, comme motivation et rappel de mon état d’esclave.

 

Immobile sans chaînes, je mange ce qu’on daigne me lancer.

Je me régale.

Mes genoux m’ont abandonné en terre, impossible de me relever.

 

Je disparais, au diapason de la lâcheté et de sa fiction.

Histoire inachevée qu’on devra, peut-être un jour, me traduire.

 

J’invente alors autre chose pour me remettre à respirer, à voir mon monde et esquiver le nœud.

 

Je panique sous cette lumière expirante, envahissant le sensible et le vrai pour l’amadouer, tuer sa langue et le laisser, à son image, dépérir en parlant de nécessité.

 

Le mot juste s’évade alors et me laisse affamé.

 

On vient en finir avec mon impatience, le rêve n’en peut plus.

Il est écrasé sous le talon, cruellement on accentue la pression.

On se délecte de l’odeur d’amertume et de regret pour finir par nettoyer sa semelle sur mon dos.

 

Autrefois fier, je disparais sous vos pas.

Silencieux, rageur et usé.

samedi 18 mars 2023

Abri

Sous le poids de l’habitude sédentaire, je me suis mis à avoir peur. Peur du ciel, des étoiles, mais surtout de vous.

Les autres qui peuplent ma taciturne réalité, mon matin sans lumière qui se joue de mon amour des nuits aux effluves sirupeux, plongés en engeance.

Recroquevillé en douce agonie à attendre vos haines et crachats, hanté par les moqueries et une indifférence chronique, vautrée dans vos regards gausseurs.

Je pensais pouvoir fuir une fois adulte; ma naïveté m’a peaufiné, m’a coupé la langue pour en laisser s’écouler ma pétulance, elle aussi à la recherche d’un abri.

À déguster haine et mort; je déambule en harmonie, accompagnant les mensonges vers ce retranchement. Le confinement que je construis depuis l’enfance fantasmée, finalement en grande partie oubliée.

Je me perds dans le papier depuis que je le peux, seul véritable refuge en attendant que quelqu’un daigne et ose me regarder, m’écouter.

Je me suis enfoncé en moi. Tel le rat qui tente de survivre, j’ai trouvé ma cachette.

Mon temps avance sans moi, je suis à la remorque des apparences et rires pour me permettre d’être avec vous : celles et ceux qui m’ont oublié avant de me rencontrer.

vendredi 24 février 2023

Pyromane

 J’ai le goût du feu.

Cette pulsion qui pousse vers le précipice.

Je rage d’être mon propre captif.

Enfermé au cloitre de la peur et en exil des autres.

 

Des nuits à pleurer, à ne plus comprendre.

Seul à braire à en vomir, mordre nos chairs et m’arracher le cuir chevelu à force de pensées, d’oublis.

 

J’y suis de plus en plus.

Sous l’astre hivernal, ma peau fond, ma chaleur s’évade et je me perds même dans la lumière.

 

Pas de baume, ni rien d’autre pour soulager ces plaies ouvertes à grands coups de ‘’tout seul’’ et ‘’d’avoir su’’.

Je m’attache à cette roue, ce cercle maintes fois caressé qui ne carbure qu’au vicié.

Ce qui n’est pas pour me déplaire.

 

Quand enfin tous s’endorment, je reste là à danser en tempête.

Je raconte et chante devant une foule retenue, aphone quand vient le temps d’y plonger.

 

On me jette au sol, m’y maitriser, me faire goûter au bitume afin de bien me faire connaitre ma place.

À me faire piétiner afin de servir de tremplin pendant qu’on jette son lest dans mes oreilles pour se confier.

Finir par m’éventrer; manière de me soustraire à la torture.

 

Masochisme et silence s’entendent étrangement bien en me retenant enchainé à cet ennui symphonique.

Virtuosité rageuse prenant son envol, mais s’écrase aux premières lueurs, pour me garder agonisant. Un chien au fond d’une ruelle.

Malgré tout, j’aboie.

L’écume de ma gueule, ainsi projetée, vous colle au visage et vous permet enfin de sentir cette purulence, cette nécrose qui finira, un jour ou l’autre, par m’éteindre.

 

Au fond de mon trou, je finirai agonisant, à boire l’eau croupie et pâtir sans retenue sur l’étincelle qui osera y trouver son chemin.

 

C’est éteint que j’expirerai, allumette à la main à fantasmer le lendemain.

dimanche 1 janvier 2023

Harmonies

Elles s'entrechoquent, se pilonnent et, pour tout, s'attirent à la façon d'antan.
Se dresser devant les mensonges, sans me douter.

Mourir quand viendra le temps, mais partir déjà, pour se préparer au pire.
Jouer le virtuose, quand tout meurt, tout s'écrase, tout se révèle : médiocre à minable.
 
J'ai soif.
 
Je me précipite en gueulant. Espérant l'inénarrable,  j'invente quand se présente l'horizon.
L'histoire compte, un peu trop.
 
J'ai peur.
 
D'y avoir cru, même si je savais; frapper les valseurs emprisonnés de leurs gallons.
La promesse ne vaut rien. L'intention s'éventre et vient enfin doucement la justesse.
 
Je meurs.
 
Écoutez le carillon, le vent sans rancune, l'immense vague sournoise sans langue.
Tu peux bien voguer, mais tout coule quand vient son temps.
 
J'y enfonce malédictions, sans visage. Je crois encore, j'expire.
 
Rien de beau.