Je me dis souvent que je devrais arrêter de voir des gens. Aller à
la rencontre des autres ça fait mal. Même si je ne peux pas me passer de ceux
que j'aime, le fait de revenir à ma solitude par la suite, ça me
tue.
Tous les soirs, je me dis que tout va
bien, que je l'ai bien apprivoisé, mais il y a toujours un moment où tout se
fige, tout me rappelle l'avant-combat. Après ça, je m'acharne à combler un vide
qui ne peut l'être. Je m'occupe comme je peux, mais rien ne fait.
Ce qui m'effraie le plus, c'est que plus
rien n'a de sens à ce moment-là. Je ne me reconnais plus, rien n'est en ordre
dans ma tête; c'est étourdissant. Que des souvenirs rageurs ou des attentes
insupportables pour me tenir compagnie. Qu'une tempête sans réel nom ni visage,
que du vent. Je suis perdu et je m'en rends compte.
Ça fait mal. Même si j'en parle, si le
monde entier peut comprendre ce qui se passe, j'ai mal. Je sais à l'avance que
chaque repas, verre ou discussion en compagnie d'autres ne seront que passager
et que je suis condamné à rien d'autre qu'à une attente amère.
Tranquillement, tout finit par se calmer.
Je raisonne avec moi-même. Rien n'est parfait, mais au moins je me mets
soudainement à comprendre que c'est la vie. Je délaisse le fatalisme pour la
logique, mais je sais que ça ne durera pas. Une nuit trop froide ou une soirée
trop intense me ramènera toujours à cette tempête qui hurle. Plus que du vent
finalement.