Je fais exprès pour m'empêcher de dormir, pour me fatiguer et
ainsi me calmer. Même quand je suis exténué, ma tête n'arrête jamais. Pas une
seconde de ma vie n'est silencieuse ou réellement libre. Imaginez si j'étais
complètement éveillé.
Quand je suis éveillé, tout est une course
sans début ni fin. Ma vie s'affiche sans pause et exige que je m'occupe d'elle,
mais c'est souvent au-dessus de mes forces. La tranquillité de la somnolence
m'est nécessaire pour que je puisse contrôler la force qui me déchire et pour
me pousser sur des chemins qui effraient la plupart d'entre vous.
Quand je suis éveillé, quand j'ai toute
mon énergie, tout est possible et je n'ai plus de limites; que des gestes qui
suivent un instinct sans laisse et maladroit.
Quand je suis éveillé, mes peurs ont cette
porte d'entrée : ma lucidité qui s'allie à la nuit interminable et
encombrent mes jours. Je préfère rester entre deux nuits pour oublier mes
réelles craintes.
Mais je me perds dans la fatigue et en
partant, tous finiront par m'oublier.
C'est la panique quand l'éveil est trop
fort. Rien ne peut me calmer. Tout devrait m'appartenir, mais s'échappe. On se
rend vite compte que rien ne gueule plus fort que les déceptions.
Il faudra qu'un jour je me réhabitue à
être vivant, à ouvrir les yeux quand le soleil finira par s'inviter chez moi.
J'aimerais comprendre à nouveau ce qui se passe quand la chaleur nous est
destinée.
Je n'attends rien d'autre que le bon
moment pour me laisser aller au repos et reprendre ce qui m'est dû. En
attendant, je cultive cette fatigue et me plais à laisser passer la réalité qui
frappe trop fort. J'évite tous les jours et m'installe au front quand vient le
soir. De toute façon, on chante mieux une fois le souffle perdu.